Désordres apparents affectant l’immeuble acquis en VEFA : Quelle action engager ?

Commentaires de l’arrêt de la Troisième chambre civile de la cour de Cassation du 14 janvier 2021.
(Civ. 3ème, 14 janvier 2021, pourvoi n°19-21.130, publié au Bulletin)

Après avoir acheté un appartement en VEFA (vente en état futur d’achèvement), il est possible que vous soyez confronté à des désordres qui affectent le bien acheté, au moment de la prise de possession ou une fois installé dans votre appartement.

Le Syndicat de copropriété se retrouve dans la même situation lorsque les parties communes sont affectées de désordres.

Le législateur a voulu protéger les acquéreurs d’immeuble sous le régime spécial de la VEFA, en considérant que le vendeur devait être assimilé à un constructeur soumis aux mêmes garanties légales que ce-dernier et que les acheteurs devaient disposer d’un délai d’un mois à compter de la prise de possession du bien, pour faire le « tour du propriétaire » et dénoncer les dommages apparents.

La Cour de cassation, dans un arrêt de principe du 14 janvier 2021, a eu l’occasion de rappeler toute la complexité des régimes applicables en matière de responsabilité du vendeur en VEFA.

Les faits étaient les suivants :

Une Société Civile Immobilière (SCI) a fait construire une résidence comportant plusieurs bâtiments, en vue de revendre les appartements par lots, sous le régime de la vente en état futur d’achèvement (VEFA).

En sa qualité de Maître de l’ouvrage, elle a procédé à la réception sans réserve des travaux entre le 27/07/2006 et le 30/07/2009.

La livraison des parties communes est intervenue à l’issue de réunions contradictoires les 27 mars 2009, 19 juin 2009 et 21 mai 2010, entre le Syndicat des copropriétaires, représenté par son Syndic, et la SCI en sa qualité de vendeur en VEFA.

Constatant la persistance de désordres et de l’absence de reprise des non-finitions, le Syndicat des copropriétaires a assigné la SCI par acte du 19 septembre 2013.

Les demandes du Syndicat des copropriétaires étaient fondées surla garantie décennale (1792 du code civil) et la garantie contractuelle de droit commun (1147 ancien du code civil).

La SCI sollicitait le rejet des demandes présentées par le Syndicat des copropriétaires, au motif qu’elles étaient irrecevables car prescrites, soutenant que s’agissant de désordres apparents à la livraison, seuls les article 1642-1 et 1648 du code civil étaient applicables.

La Cour d’appel a donné gain de cause à la SCI en retenant l’irrecevabilité de la demande du Syndicat des copropriétaires, mais ce n’est pas la solution retenue par la Cour de cassation dans son arrêt du 14 janvier 2021.

Raisonnement de la Cour d’appel :

La cour d’appel de Fort de France a suivi les arguments de la SCI et a débouté le Syndicat des copropriétaires de sa demande d’indemnisation des désordres de construction en retenant que les désordres dont le Syndicat des copropriétaires sollicitaient la réparation, étaient apparents à la date de la livraison, si bien que seul le régime des désordres apparents dans le cadre d’une VEFA était applicable (1642-1 et 1648 du code civil). Par conséquent, la demande de réparation devait être introduite dans le délai prévu par l’article 1648, alinéa 2, du code civil, soit un an et un mois après la livraison.

En l’espèce, la livraison des parties communes était intervenue entre le 27 mars 2009 et le 21 mai 2010 et les demandes du Syndicat des copropriétaires ayant été introduites par assignation du 19 septembre 2013, soit plus d’un an et un jour après la prise de possession des parties communes, ses demandes étaient donc forcloses selon la Cour d’appel.

La solution de la Cour de cassation

Dans son arrêt de principe du 14 janvier 2021 (Civ. 3ème, 14 janvier 2021, pourvoi n°19-21.130, publié au Bulletin), la Cour de cassation rappelle les règles applicables en matière de VEFA :

Article 1646-1 du code civil :

« Le vendeur d’un immeuble à construire est tenu, à compter de la réception des travaux, des obligations dont les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage sont eux-mêmes tenus en application des articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du présent code. »

Article 1642-1 du code civil :

« Le vendeur d’un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents. »

Article 1648 du code civil :

« Dans le cas prévu par l’article 1642-1, l’action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l’année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents. »

Il convient de rappeler que le vendeur d’immeuble à construire possède une double casquette :

– il est le Maître de l’ouvrage qui procède à la réception des travaux en présence des constructeurs (point de départ d’un certain nombre de garanties).

– Il est vendeur d’immeuble à construire et à ce titre, il est notamment tenu à l’égard des acquéreurs en VEFA :

 

• des obligations dont sont responsables les constructeurs dans les conditions des articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du code civil à compter de la réception des travaux (article 1646-1 du code civil).
• de réparer les désordres apparents affectant l’immeuble vendu en VEFA, à compter de la date de prise de possession par l’acquéreur (article 1642-1 et 1648 du code civil). Ainsi, l’acquéreur en VEFA peut engager la responsabilité du vendeur tantôt sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, tantôt sur le fondement de la garantie des vices apparents.

 

C’est ce qui est rappelé par la Cour de cassation : « Il résulte de la combinaison de ces textes que l’acquéreur bénéficie du concours de l’action en garantie décennale et de celle en réparation des vices apparents. »

En l’espèce, le Syndicat des copropriétaires a engagé la responsabilité du vendeur non pas sur le fondement de la garantie des vices apparents mais sur le fondement de la garantie décennale et le fondement de la garantie contractuelle de droit commun.

La Cour d’appel saisie d’une action en réparation sur le fondement des articles 1792 et 1147 (ancien) du code civil devait donc vérifier les conditions d’application de ces articles et notamment, vérifier si les désordres n’étaient pas apparents au jour de la réception de l’ouvrage.

Or, la Cour d’appel a déclaré forcloses les demandes du syndicat des copropriétaires au motif que les désordres étaient apparents à la date de prise de possession des parties communes, de sorte que l’action aurait dû être engagée dans le délai prévu par l’article 1648, alinéa 2, du code civil.

Autrement dit, elle s’est prononcée sur un fondement juridique différent de celui invoqué par le Syndicat des copropriétaires.

Or, la Cour de cassation affirme que « Lorsqu’il agit en réparation contre le vendeur en l’état futur d’achèvement sur le fondement des articles 1646-1 et 1792 et suivants du code civil, le caractère apparent du désordre s’apprécie en la personne du maître de l’ouvrage et au jour de la réception. » C’est dans ces conditions que l’arrêt de la Cour de Cassation a censuré l’arrêt de la Cour d’appel, en retenant que

« le caractère apparent ou caché d’un désordre dont la réparation est sollicitée sur le fondement des articles 1646-1 et 1792 et suivants du code civil s’appréciant en la personne du maître de l’ouvrage et à la date de la réception, il importe peu que le vice de construction ait été apparent à la date de la prise de possession par l’acquéreur. »

 

L’affaire a donc été renvoyée devant la même Cour d’appel autrement composée, laquelle devra s’interroger sur les conditions d’application des articles 1792 et 1147 (ancien) du code civil, et notamment sur le caractère apparent ou caché des désordres au moment de la réception par le Maître de l’ouvrage pour statuer à nouveau.

Le choix du fondement juridique dans la mise en jeu de la responsabilité des vendeurs en VEFA, est donc déterminant. Ce contentieux complexe et technique nécessite une prise en charge par un avocat expérimenté dans la matière.

Je me tiens à votre disposition tous renseignements et contentieux relatifs au droit immobilier.

Sophie APPAIX

 

Sophie APPAIX
Avocat associé

 

Cet article n’engage que son auteur.